« Vous le nommez, nous le
construisons »
La construction navale est un
savoir-faire honoré depuis longtemps à Terre-Neuve. Avec la majorité de
la population gagnant sa vie de la mer, l’évolution de l’industrie de la
construction navale fut aussi naturelle que de respirer. Les goélettes,
les jackboats, les esquifs et les plates étaient aussi essentiels
à nos pères que nos voitures et nos camions nous le sont aujourd’hui. Et
malgré que les navires soient moins indispensables aujourd’hui, il
existe encore des constructeurs navals dans plusieurs communautés à
travers l’île.
Gordon Pittman de Rocky Harbour a
une longue association avec la construction navale. « J’y suis depuis
environ 12 ans par moi-même, » révèle t-il, « mais, j’ai travaillé
autour de l’industrie de construction navale depuis longtemps
maintenant. J’ai construit vingt-cinq chalutiers. Tout ce que j’avais
quand j’ai commencé était un moulin à scie, un rabot, un marteau, une
hache et une scie à chaîne. »
Aujourd’hui, Gordon a beaucoup
plus d’investi que cela. Lors de la visite de Decks Awash à son
chantier, lui et ses hommes étaient occupés à finir un chalutier de 45
pieds et, Gordon nous a dit que c’était le cinquième petit navire qu’ils
construisaient cet hiver.
« Je continue tout le temps, »
dit-il. « J’ai construit beaucoup de petits bateau au cours des derniers
trois ou quatre ans… des bateaux à casiers et à homard. Il y a eu des
périodes au cours des dernières deux ou trois années où je n’avais aucun
homme d’engagé. L’été dernier, j’ai passé beaucoup de mon temps à
réparer des bateaux à Port Saunders. »
Quand le chantier n’opère pas, ça
fait une différence à Rocky Harbour. Présentement, M Pittman a quatre
hommes d’embauchés et ce chiffre peut atteindre huit ou dix quand le
chantier est très occupé. Avec ses employés présents, le chantier dépose
environ 5,000$ mensuellement dans l’économie locale sous forme de
salaires et d’avantages sociaux en plus de l’argent dépensé pour des
provisions, etc., faisant profiter Rocky Harbour davantage.
Le chalutier qui est maintenant en
cours de construction part en quelque sorte de la conception originale.
Ceux de quarante-cinq pieds ont normalement un bau de 12 pieds mais
celui-ci est de 15 pieds et, Gordon s’attend à ce que ceci aide à
surmonter le pire défaut du design traditionnel… la tendance qu’il a à
rouler comme un baril.
« Ce bateau, ayant un bau de 15
pieds, est plus stable, » explique t-il. « Terminé et gréé, il vaudra
autour de 80,000$. C’est beaucoup d’argent à payer de la part du
gouvernement pour un bateau mais, si l’homme qui le recevra peut gagner
11,000$ pour lui et trois autres hommes, je me dis que ça en vaut la
peine. Le gouvernement dépense de l’argent sur des choses bien pires que
des bateaux. »
Ces trois pieds additionnels font
une autre grande différence sur le navire en terme d’aire de travail. Le
pont arrière ressemble à un petit terrain de soccer plutôt qu’à un
passage étroit. Le pont avant est large, un avantage considérable
lorsqu’on travaille dans des conditions qui ne sont pas parfaites. De
plusieurs façons, ce bateau fait penser au Cape Islander de la
Nouvelle-Écosse, que plusieurs pêcheurs pensent avoir un meilleur
design.
Decks Awash a demandé à M Pittman
s’il pensait que ses bateaux étaient aussi bons qu’un Cape Islander
de taille similaire. « Ce bateau est meilleur, » répond t-il. « Les
bateaux néo-écossais n’ont pas la même force. Ils sont plus stables sur
l’eau mais, tu ne peux pas blesser ce navire-ci sur l’eau. Le bateau
terre-neuvien a du bois flexible tandis que ceux de la Nouvelle-Écosse
utilisent du bois étuvé. Si tu pars en mer avec du bois étuvé, ton
bateau louvoiera comme ça ne se peut pas. Nos bateaux sont bordés plus
épais aussi. »
Alors que plusieurs chantiers
terre-neuviens semblent construire les bateaux de pêche communs, M
Pittman n’a pas peur d’essayer de nouveaux designs. Il a récemment
construit un Cape Islander pour le conseil de prêts de pêche
(Fisheries Loan Board,) et il dit qu’il est prêt à les construire pour
tous ceux qui en veulent un. Et, derrière sa remise, on y trouve son
propre bateau… une belle goélette de 40 pieds qu’il « planifie naviguer
moi-même un jour, si je peux me permettre de la terminer. »
Ce n’est pas le premier bateau de
pêche qu’il a construit. En fait, son plus gros bateau fut une goélette
de 60 pieds, nommée Sea Dream 11, construite pour un homme de la région.
Elle a réussi un voyage vers le sud et des photographies qui la montrent
sous voile la présentent comme un bateau aussi joli qu’on ne pourrait le
souhaiter. Il en a également construit un de 28 pieds mais, M Pittman
n’a pas bien espoir de pouvoir pénétrer le marché américain et canadien
de yachts.
« Nous sommes trop loin du marché
américain. Construire une goélette, gréée de trois voiles, prendrait
environ trois mois, avec deux ou trois homme et moi-même. Nous avons les
compétences. Tout ce que tu souhaites c’est l’argent avec lequel
travailler. Si un homme arrive et veut un bateau pour 25,000$ ou
30,000$, tu peux lui donner un très bon bateau pour ce montant. »
Decks Awash a demandé à Gordon
combien coûterait à construire un navire de 32 pieds pleinement gréé
avec une coque en acajou et un intérieur bien fini et un engin et, il
estime que ce serait environ 45,000$. Ce montant ne ferait pas très bien
comparativement aux yachts modernes de fibre de verre qui ne nécessitent
que peu d’entretien.
Alors que les contrats
occasionnels pour yachts aident le chantier lors de temps plus lents,
leur gagne pain demeure le bateau de pêche. Et, l’arrivée du parc Gros
Morne a créé de nouveaux problèmes pour le chantier.
« Un partie du bois sur ce navire
vient de la Nouvelle-Écosse, » commente Gordon. « C’est aussi bon marché
de le faire venir de la Nouvelle-Écosse que d’aller dans le bois, le
couper, le sortir et le scier. J’aimerais mieux utiliser de l’épinette
terre-neuvienne si je pouvais l’avoir mais, tu ne peux plus aller où tu
veux et couper du bois. Nous avons fait une grande erreur en laissant le
parc venir ici. Ils ne veulent pas donner de permis de coupe à personne
donc, t’aurais à sortir ton bois en cachette de la forêt. »
D’autres problèmes tourmentent le
chantier. Par exemple, il n’y a pas de quai dans la communauté puisque
le gouvernement est en train de le rebâtir. Quand arrivera le temps de
mettre le chalutier à l’eau, on devra probablement l’apporter à Norris
Point… À quelques sept ou huit miles d’ici pour le gréer, ce qui est
vraiment un ennui. Une rampe de lancement attirerait peut-être plusieurs
navires en réparation, ce qui aiderait le chantier lors des temps plus
lents expérimentés par tous les chantiers entre les gros contrats.
Mais, entre les chalutiers, les
plus petits bateaux et, les voiliers éparpillés, il est probable que le
chantier à Pittman puisse poursuivre assez bien en affaires.
« Je ne me sers pas d’argent de
taxes ici, » dit Gordon Pittman. « Je sais que la majorité de l’argent
vient du conseil des prêts mais, l’homme qui veut un bateau doit verser
son acompte et payer ce prêt. Il va créer des emplois et de l’argent
parce qu’il attrapera des poissons. Une chose telle le parc n’utilise
carrément que de l’argent de taxes. Ils ne recevront jamais ce qu’ils
dépensent.
Decks Awash
Volume 6, NO. 5, Août
1977
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