Leurs constructeurs étaient
des artistes et des artisans
Au cours des
derniers siècles, plusieurs types de navires ont servi à la pêche
littorale à la morue le long des côtes de Terre-Neuve et du Labrador. Au
début, le shalloway et la chaloupe furent utilisés et plus tard,
les plates, les highrats et les jacks ou les bullies.
Ceux-ci étaient utilisés pour la pêche à la palangre, connue également
comme la pêche à l’hameçon ou à la ligne.
Avec l’invention
du piège à crabe, un nouveau type de bateau est devenu nécessaire : un
plus long, large du bau et peu profond quant au tirant d’eau. Ceci était
l’esquif à piège. Il était propulsé par six rames et, une septième
utilisée pour la godille et la conduite. C’était probablement une
adaptation du vieux senneur à morue qui était généralement bâti de la
même façon mais plus gros et plus lourd que l’esquif à piège.
Alors que
l’usage du piège à morue a rendu nécessaire un nouveau type de navire et
qu’il a introduit une nouvelle technique de pêche, il n’a pas fait
complètement disparaître la pêche à la palangre ni le highrat ou
le bully. En effet, plusieurs des pêcheurs au piège utilisaient
les deux méthodes de pêche : le piège à l’été lorsque la morue
s’approchait des rives et les lignes à l’automne sur les nombreux
hauts-fonds et les bancs qui constituent les vallées noyées de la côte
labradorienne. D’ailleurs, plusieurs pêcheurs ne se sont jamais servis
des pièges mais ont continué de seulement utiliser les palangres. Ils
préféraient cette méthode puisque qu’elle nécessitait un moins gros
investissement financier et que les chances d’obtenir des bonnes prises
étaient meilleures. Le pêcheur à piège devait installer ses pièges à un
certain endroit et ensuite attendre que le poisson y entre; tandis que
le pêcheur dans son highrat ou bully pouvait se promener
et avoir un rayon d’une douzaine de miles ou plus, à la recherche de sa
proie.
Le
highrat était utilisé
principalement pour la pêche sur les hauts-fonds et les bancs plus
rapprochés qui se trouvaient à quelques miles du port ou de l’anse où le
pêcheur avait sa salle de pêche (fishing
room). Ils étaient environ des mêmes
dimensions qu’une plate à quatre rames et pouvaient transporter six ou
sept tonneaux de morue. Ils étaient équipés d’un mât mobile qui avait
une voile et un foc. Un petit artimon ou une brigantine se trouvait à
l’arrière. Le bateau était dirigé par un gouvernail ou un aviron
godillant et avait un équipage de deux hommes ou, d’un homme et d’un
garçon.
Une charge plus
lourde
Le trait
distinctif du highrat
était le bordage d’environ 4 pouces de haut qui se trouvait le long du
haut de chaque plat-bord de l’avant à l’arrière. Ces bordés étaient
appelés les planches à laver et servaient à surélever la hauteur des
plats-bords au dessus du niveau de l’eau, allouant ainsi le bateau à
transporter une plus grande charge. Le rehaussement des bords du bateau
nous donne un indice de l’origine du nom curieux du highrat
(traduction : le rat haut.)
D’après le
dictionnaire Oxford, le mot « higher » (plus
élevé, en français,) qui est
habituellement un adjectif ou un adverbe peut également être utilisé en
tant que verbe malgré qu’un tel usage soit rare. « To higher » quelque
chose veut dire de l’élever, tout comme « to lower » quelque chose veut
dire de l’abaisser. Au passé, le verbe « to higher » est conjugué
« highered. » Les premières générations de pêcheurs prononçaient parfois
la dernière syllabe « -ed » séparément. Ainsi comme exemples, ils
« talk-ed,» « walk-ed, » et « higher-ed. » D’ailleurs, dans le parlé
courant, le premier « e » de « highered » était souvent perdu et le
« d » sonnait davantage comme un « t ». Ainsi, « higher-ed » est devenu
« high-ret » ou même « high-rat ». Le bateau
highrat utilisé à
l’époque était le bateau « highered » (ou élevé) ; le bateau dont les
bords étaient élevés avec des planches à laver comme décrit plus haut.
Le
bully était bien plus
gros, capable de transporter vingt tonneaux de poisson. Ils avaient une
voile principale et un foc. Il n’y avait pas de tangon sur les voiles
puisque ça aurait interféré avec la pêche. En fait, on n’avait pas
besoin de tangon avant, une disposition connue comme outrigger, des
pièces de bois de quatre ou cinq pieds de long et deux ou trois pouces
de diamètre. Chaque bateau en avait deux. Ils étaient sur le pont, où
ils étaient bien fixés, un de chaque bord de la proue. Chacun passait à
travers un trou à l’arrière par deux pieds. Au bout extérieur de chaque
outrigger, un bloc était fixé avec une partie de la voile principale qui
sillonnait, en deux parties. Le outrigger était un trait éminent du
bully et
rendait le tangon inutile. Par conséquence, la voile principale « et la
voile avant, lorsqu’elles n’étaient pas utilisées, pouvaient être
roulées et attachées au mât, laissant ainsi un espace pour l’ouvrage de
la pêche. »
Un trait
important
Le
bully était
partiellement ponté, avec certaines des bordés du pont étant mobiles. Il
a trois espaces qui ne sont pas pontés appelés respectivement les
chambres debout de l’avant, de l’arrière et du centre. Ici, l’équipage
se tenait debout ou s’assoyait et pêchait ou manoeuvrait le navire
lorsqu’il était sous la voile. Il y a avait également un endroit pour le
ballast sur lequel ils pouvaient cuisiner. L’entrepont avant pouvait
être utilisé pour dormir et le reste, pour entreposer le poisson. Un
trait important de ces bateaux était leur profondeur considérable vers
l’arrière comparativement à celle de la proue. La profondeur était
obtenue en construisant la quille avec des pièces de bois superposées le
long de la quille. Ils étaient connus, de façon appropriée, en tant que
les massifs. Cette profondeur de quille avait deux raisons d’être : elle
prévenait ou du moins diminuait la dérive sous le vent, lorsque le
bully
naviguait tout près – le tirait et permettait au bateau de se tourner
rapidement lors des manœuvres de louvoiement, assisté bien entendu, des
voiles et du gouvernail.
À cause de leur
construction et de leur gréement, ces navires furent admirablement
adoptés par l’intention de leur conception. Celle-ci était de rendre
disponibles aux pêcheurs les endroits de pêche au large le long des
côtes terre-neuviennes et labradoriennes, particulièrement du Labrador.
Au Labrador, certains des meilleurs fonds de pêche se trouvaient jusqu’à
20 miles des ports où les salles de pêche se trouvaient. Lors de ces
allers-retours, les bateaux devaient faire face à des eaux agitées et
des courants forts et devaient négocier d’étroits passages entre nombre
de petites îles. Il y avait aussi le danger omniprésent de rafales
soudaines, particulièrement à l’automne et plusieurs histoires ont été
contées où certains l’ont échappé bel et d’autres où ils n’ont pas pu y
échapper. Il y avait souvent une rivalité amicale entre les équipages
des bullies,
chaque équipage louant les mérites de leur bateau et de leurs nombreuses
prises. Les propriétaires de ces bateaux étaient souvent aussi leurs
constructeurs et donc, naturellement, ils étaient fiers de leur ouvrage.
C’étaient des artisans et des artistes. Ils n’avaient pas à travailler
par secousse comme c’est le cas aujourd’hui mais faisaient partie du
procès du début jusqu’à la fin. Ils avaient donc la grande satisfaction
d’avoir créé quelque chose de beau et d’utile. Mais, non seulement
construisaient-ils les navires, ils fabriquaient leurs voiles et les
gréaient en plus. En fait, ils faisaient tout sauf peut-être la forgerie
qui était habituellement faite pas les mains du forgeron et fabricant de
voiles du village tout comme ils l’étaient par le rabot et la scie du
menuisier.
Disparus depuis
longtemps
Le
highrat et le
bully sont disparus
depuis longtemps maintenant. Comme mentionné plus haut, l’invention du
piège à morue a diminué leur usage et le déclin de la pêche automnale a
occasionné un plus grand déclin. Mais, ce qui les a finalement fait
disparaître fut l’introduction du bateau à moteur. Déjà en 1905, on
entendait le cliquetis de ce qui devait être un engin à combustion
primitif dans plusieurs ports le long de la côte du Labrador. Cet engin
propulsait un petit bateau appartenant à un certain capitaine Jensen qui
était un acheteur de poisson pour des firmes européennes et s’occupait
du chargement des vaisseaux à poissons secs, certains d’entre eux des
barquentines
danoises qui venaient à l’époque chercher de la morue sèche au Labrador
pour des ports méditerranéens. Le capitaine Jensen était un visiteur
fréquent des divers ports et son bateau était une vue familière pour les
pêcheurs qui y habitaient. Ils n’y pensaient pas longtemps en observant
l’aise avec laquelle le capitaine ne les réclamait pas, ils étaient
laissés à reposer dans de la bonne terre sur des terres privées ou des
cimetières d’églises, où des tombes d’ardoise ou de marbre marquent
certaines de ces tombes mais, où il y en a plusieurs qui ne sont
marquées que par des pierres rustiques à chaque bout. Eux-mêmes,
lutaient alors pour une subsistance, n’avaient que peu ou pas de temps à
dévouer aux morts. La génération d’aujourd’hui n’a par contre pas cette
excuse. Ce serait un acte de piété et de reconnaissance de l’importance
de préserver les traditions et les reliques historiques de nos
communautés terre-neuviennes si on pouvait commencer à préserver et
entretenir ces cimetières, plusieurs d’entre eux étant maintenant
menacés de destruction. Si on réplique que les reliques de telles
personnes si humbles ne sont pas suffisamment importantes pour mériter
une telle attention, rappelons-nous que ça ne fait pas bien longtemps de
cela que ces hommes dans leurs highrats
et bullies,
leurs esquifs à pièges et leurs doris, étaient le soutien principal de
l’économie de notre île.
Evening Telegram, 19 juillet
1967
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